Les conditionnements
Vous êtes vous déjà demandés pourquoi vous réagissiez de telle ou autre façon à tel ou autre moment ?
Si quelqu’un lance doucement une pomme dans votre direction, vous allez avoir le réflexe de l’attraper. S’il la jette violemment, vous allez sans doute avoir celui de l’éviter. Ce réflexe est conditionné par le fait que vous savez que si vous n’agissez pas ainsi, en fonction du contexte, les conséquences pourraient être hasardeuses. Une action en entraine une autre de manière automatique. Il n’a pas été nécessaire de réfléchir à quoi que ce soit, le chemin vers la réponse a été parcouru automatiquement. Ce principe est utile en contexte, notamment en cas de danger.
Pour autant, en observant notre quotidien, il est clair que moult réflexes ont cours et pas seulement physiquement. La seule observation de nos paroles, de nos pensées ou de nos émotions est très révélatrice des empreintes laissées tout au long de notre parcours de vie. Les « valeurs » familiales, religieuses, sociétales, culturelles, voire paradigmatiques, sont considérées comme telles souvent par pure tradition ou même par simple habitude… sans jamais, ou très rarement, susciter de questions sur leur origine profonde, leur sens et leur réelle raison d’être. Le concept de la remise en question est extrêmement mal vue par notre environnement socioculturel. Mais ne jamais rien remettre en question, en revanche, correspond à vouloir conserver un même point de vue quel que soit le contexte ou l’époque, dans une forme de suffisance, qu’elle soit justifiée ou non, que les arguments en rapport soient encore pertinents ou devenus obsolètes. Beaucoup de croyances jalonnent le parcours des individus et l’importance de l’expérience fini par se perdre dans le flot continu d’informations futiles et surannées.
Le phénomène de masse
Chacun a déjà plus ou moins conscience de la part que représente son éducation dans sa manière de se comporter, tout comme dans sa façon de mener sa vie, dans ses fréquentations et les choix qu’ils représentent autant que l’importance qu’on leur accorde en fonction de leur correspondance avec son propre référentiel de valeurs, comme avec son « statut social ». Autant d’égrégores aussi, qui influencent un quotidien et qui créent des « conditions de réaction réflexes », c’est-à-dire un champ de conditionnements réactifs automatiques, lesquels, par effet de mise en résonance et par syntonie, vont stimuler votre capacité à répondre à des stimuli émotionnels.
Un égrégore se forme, peu ou prou, à partir de trois consciences focalisées sur la même idée, le même concept, le même objectif. Plus les gens seront nombreux à se focaliser sur quelque chose, à croire en quelque chose ou à faire quelque chose, plus l’égrégore sera riche, puissant et influent, autant et surtout sur les individus qui le constituent que sur ceux qui en sont exclus, mais qui entrent en interaction avec lui, d’une manière ou d’une autre. Par exemple, la politesse poussée jusqu’au : « je ne peux pas partir, ça ne se fait pas ». Qu’est-ce qui vous influence dans ce cas ? Les « bonnes manières », lesquelles sont en soi un conditionnement, et le regard des autres, eux-mêmes poussés à vous mettre une telle pression… par conditionnement, ou encore par auto-persuasion que c’est ainsi que les autres souhaitent vous voir vous comporter, que ce soit vrai ou faux.
Qu'est-ce qu'un conditionnement ?
De façon imagée, c’est une boite dans laquelle on fait rentrer quelqu’un pour qu’il corresponde à des attentes précises, qu’elles soient culturelles, familiales, religieuses, scientifiques (la pensée scientiste étant fondée sur un ensemble de modèles auquel il est fortement recommandé de faire correspondre la réalité, et non le contraire — voir à ce sujet, l’article « Déconstruire la Dictature de la Connaissance » du site de l’Archimagisterium), en somme, paradigmatiques. En cela, nul ne peut échapper au conditionnement de quelque chose. Même l’esprit le plus libre du monde en serait incapable, à moins de vivre parfaitement seul depuis sa naissance, sans avoir jamais côtoyé ses semblables, et encore, certains comportement étant innés.
Voici la définition que donne le dictionnaire Larousse du conditionnement, au sens psychologique du terme :
« Procédure par laquelle on établit un comportement nouveau chez un être vivant, en créant un ensemble plus ou moins systématique de réflexes conditionnels correspondant à des critères bien définis ».
Un conditionnement n’est pourtant pas toujours quelque chose à rejeter. Il suffit pour s’en convaincre de prendre en considération l’ensemble des actions à entreprendre face à une situation nécessitant une prise de décision, souvent rapide, face à un ensemble catégorisé d’événements, éventuellement inattendus. L’essentiel est d’en avoir conscience et de ne pas se laisser être l’objet d’un simple réflexe comportemental, émotionnel, en étant absolument convaincu qu’il se soit agi d’une prise de décision totalement volontaire alors qu’il n’en est rien.
Le conditionnement le plus puissant et le plus actif a toujours été mis en œuvre là où il était le plus utile pour les tenants du pouvoir, quels qu’ils aient été, à quelque époque que ce fut, à savoir, au niveau sociétal, au moyen d’une science applicative créée spécifiquement à cette fin, à savoir l’ingénierie sociale. Réfléchir en serait presque devenu un acte marginal sans réelle nécessité, dans la mesure où « la société » en est venue à penser à la place de tout un chacun, avec l’aval implicite, mais extrêmement présent, de tous les concernés ou presque, au point de considérer les résistants face à l’assimilation par le dévorant phénomène du prêt-à-penser, comme des complotistes, ou en tout état de cause des individus suspects, potentiellement sujets à une « dérive sectaire ». Évidemment, ces qualificatifs sont, eux aussi, le produit de ladite société, non pas pour se défendre des opposants à la pensée unique (en pleine démocratie, tout de même), mais pour enclencher chez tout citoyen lambda, un réflexe réactif conditionné. Selon cette logique, les gens prennent ainsi, par eux-mêmes, de leur propre « initiative » si l’on peut dire, la défense du système autocratique sociétal, lui épargnant l’effort de le faire lui-même, comme lui évitant le risque potentiel, léger, mais néanmoins non nul, de trouver trop de partisans dans les rangs de l’opposition. Ainsi est dûment conservée l’illusion de la liberté de penser, donc celle de la démocratie. Lorsqu’on parle d’opposition, une fois encore dans le but de donner l’illusion que cette dernière existe réellement, les partis politiques s’affrontent au cours de débats d’idées réels, mais ne menant nulle part. Chacun est néanmoins conditionné à trouver dans ces mêmes débats, une source de saine diversité d’opinions, néanmoins sans conséquences concrètes, et moins encore de solutions réelles, dans le cadre d’une démocratie de façade, mais justifiée de cette manière, laquelle se conclut en beauté par un système électoral qui n’a jamais amélioré le monde en quoi que ce soit.
Chacun est ainsi, dès son plus jeune âge, conditionné à envisager comme plausible la manifestation même de la liberté là où elle n’a jamais existé, tout en en rejetant les manifestations authentiques là où, difficilement, elle s’est parfois exprimée.
L'influence paradigmatique
C’est ainsi que l’image devient la référence, l’image de soi, l’image des autres, l’image du monde. Lorsqu’on correspond à l’image demandée, on a même droit à une image pour nous récompenser. On s’y attache, à toutes ces images, jusqu’à s’y identifier, s’y attacher et être prêts à les défendre, jusqu’à la mort s’il le faut. Mais, qu’y a-t-il derrière ces images ? Quelles intentions ont présidé à leur diffusion ? Qui contrôle et à qui profite cette diffusion ? Autant de questions « complotistes » parce qu’elles remettent en question le système.
L’individu conditionné suit le mouvement tel une machine, ne pose pas de questions et adhère par défaut à la voix du plus grand nombre. Il n’est plus souverain en son royaume intérieur parce qu’il en a confié les clés à ses geôliers qu’il prend pour des protecteurs parce que c’est plus facule. Les chaines sont comme des écharpes que l’on arbore fièrement étant persuadés qu’elles sont douces et chaudes. L’illusion devient vérité et de simples faits, une théorie hasardeuse. Un esclave n’a la volonté de s’affranchir que s’il considère en être un.
La notion de liberté est liée à des schémas de pensées et si ces schémas sont construits pour vous perdre, c’est qu’ils sont bel et bien des labyrinthes dans lesquels vous avez été placé·e avec votre accord. L’individu libre est censé être épanoui, n’est-ce pas ? Quelle image avons-nous de la liberté ? Être libre de quoi d’ailleurs ?
[1] « L’impuissance apprise (impuissance acquise ou résignation acquise) est un sentiment d’impuissance permanente et générale qui résulte du vécu (…). Ce sentiment est provoqué par le fait d’être plongé, de façon durable ou répétée, dans des situations (factuellement nuisibles, mais aussi bénéfiques) sur lesquelles l’individu ne peut agir et auxquelles il ne peut échapper. L’impuissance apprise se rapproche de la dépression, de l’anxiété, et du désespoir, et est corrélée à ces types de souffrances psychiques ». (source : Wikipédia)