Notion centrale d'héroïsme
Cela n’a bien-sûr rien à voir avec les 15 minutes de gloire prophétisées, jadis, par Andy Warhol. Ces 15 minutes de gloire-là sont factices. Un simple coup médiatique et mercantile, braquant les projecteurs sur un élément du troupeau, lui donnant l’illusion, un court instant, ainsi qu’à tous ceux qui s’y identifient, d’être au-dessus du lot, le temps du générique ronflant d’une émission de téléréalité. Dans ces circonstances, les seuls véritables objectifs sont de contenir le troupeau à son état de troupeau avec quelques miettes, et surtout de rapporter des millions à son producteur. Ça fonctionne, oui, mais pas plus de 15 minutes, et sur du vide.
Rien à voir avec l’héroïsme. Le héros, le vrai, ne sait généralement même pas qu’il en est un, ou alors ça ne l’intéresse pas vraiment. Ce qui l’intéresse, au-delà de tout, c’est d’accomplir son destin, quitte à tout perdre, quand bien même ce serait sa vie. Le véritable héros est obsédé, véritablement obsédé par sa quête, devenue vitale, qui le dépasse, mais à laquelle il ne renoncerait à aucun prix, dans l’énergie d’une force colossale semblant venir de nulle part, lui conférant une stature hors norme dont il a habituellement lui-même assez peu conscience.
Cela voudrait-il dire que l’héroïsme relève de l’imaginaire, du rêve et de l’illusion une fois de plus ? Assurément pas. La vie le montre d’ailleurs, pour celui qui y est attentif. On peut être le héros d’un moment, sortant de sa condition quotidienne pour aller sauver un enfant de la noyade par exemple, bravant sa peur, comme mû par une Force plus grande que soi. C’est possible et accessible à tout un chacun. Ce n’est d’ailleurs pas réservé qu’aux Humains. Il n’est qu’à voir le nombre impressionnant de vidéos montrant nos animaux de compagnie, s’interposant courageusement entre leur maître et un danger bien plus grand qu’eux, comme un ours ou un tigre. Cela devrait nous mettre la puce à l’oreille, de voir que l’animal peut se révéler plus noble que l’Humain.
Une fois de plus, la littérature et le cinéma, grand révélateur de la « vraie vie » finalement, apporte son lot d’exemples remarquables et si réels. Il y a par exemple le formidable personnage de Sam Gamegie, du célèbre roman de J.R. Tolkien « Le Seigneur des Anneaux », mis en scène par Peter Jackson dans le film éponyme.
Sans vouloir donner l’impression de nous épancher démesurément sur l’analyse critique d’un personnage de fiction, celui-ci, pourtant, est tellement emblématique de cette catégorie de héros parmi les plus humbles des gens ordinaires, particulièrement communs à leurs semblables, que faute d’exemples concrets qui ne parleraient pas à grand monde hormis aux concernés, nous allons nous risquer à nous concentrer sur celui du personnage de Samsagace Gamgie en tant que modèle représentatif de la condition de héros.
Analyse d'un héros en situation
Sam est un gentil Hobbit, que l’on pourrait qualifier de parfaitement ordinaire, tant par son physique assez commun, que dans ses ambitions de vie toutes simples : jardinier pour le compte de Frodon Sacquet. Il aime manger, danser, rire et boire, et voudrait bien conter fleurette à cette jolie fille blonde, gaie et plantureuse qui l’attire, mais qui lui semble inaccessible. Il aime aussi profondément son ami Frodon, qu’il admire et continue de vouvoyer (en français naturellement). Il n’aime rien tant que de vivre tranquillement dans son village de « la Comté », qu’il ne quitterait pour rien au monde, ou presque.
Pourtant, c’est ce qu’il fait dès le début de l’histoire et par pure amitié, ce qui constitue le premier acte d’héroïsme, primordial. Tout en découlera. Est-ce si inconcevable, pour qui que ce soit, quelle que soit sa position sociale, de faire quelque chose, qui sorte un peu de l’ordinaire, par seule motivation d’amour ou d’amitié ? Sam ne se pose aucune question. Il sait simplement qu’il ne laissera pas Frodon partir seul dans sa quête, qu’il ne comprend d’ailleurs pas vraiment, alors qu’il le sent fragile et désarmé face à cette perspective.
La suite de l’histoire, la plupart d’entre nous la connaissent. Sam va s’illustrer en toute humilité par son sens du courage et de l’abnégation, prêt à mourir pour Frodon, par exemple en allant chercher l’anneau dans les eaux froides et profondes de la rivière alors qu’il ne sait pas nager. Sans Sam, son ami serait mort dès le premier opus.
Le plus remarquable, c’est ce qu’il va devenir. Le héros en lui, au début petit et mignon, peu concerné par le monde hors de sa Comté natale, va peu à peu prendre une stature considérable, flamboyante et admirable, sans réellement en prendre conscience, en s’impliquant dans une histoire sombre et infiniment complexe, bien loin de sa petite vie somme toute trop tranquille, lui faisant faire corps avec un enjeu bien plus grand que lui-même, plus grand, même, que de son attachement pour Frodon. La fin de la tourmente de nos deux héros est à ce titre bouleversante de force et de vérité. Ne renonçant ni à son amitié ni à sauver le monde, on découvre Sam porter Frodon à bout de bras en direction du puits de lave, dans un ultime baroud d’honneur, pensant cette direction sans retour. Il honore ainsi avec superbe sa double mission : aider son ami à accomplir son destin et finalement, contribuer malgré tout à sauver le monde, au mépris de sa propre vie qu’il donne véritablement avec amour, bien plus qu’il ne la sacrifie.
Il n’y a rien de surnaturel ou de cybernétique dans cette histoire, rien qui obéirait à quelques super-pouvoirs inaccessibles au commun des mortels ou semi-miraculeux. Il ne s’agit juste, en somme, que de quelqu’un de très ordinaire qui se jette à l’eau et plonge dans l’inconnu, s’en sortant habilement, envers et contre tout, souvent à l’intuition et avec simplicité, avec comme seules armes, de l’Amour-Force, du bon sens, de la droiture et de l’honneur. Ni riche ni instruit, sans mentor, pas plus qu’il n’est spécialement plus courageux ou intelligent qu’un autre, Sam Gamegie nous donne une véritable leçon de vie, celle du courage « ordinaire », le plus beau de tous, celui qui transcende toutes les peurs pour nous élever à un rang de héros, peu importe à quel degré ou intensité. Seules, alors, sont importantes l’intention et la dynamique. D’ailleurs, le lecteur et/ou le spectateur, en tant que tel, le sent tout à fait bien dans son intimité profonde. Être héros une heure, un jour, ou une portion de vie, a un sérieux goût d’aventure et de « reviens-y ».
Héroïsme et transformation
Est-il possible de revenir à sa vie d’avant après un acte d’héroïsme dans lequel on a engagé beaucoup de soi ? Cela semble peu probable. Car si l’héroïsme, vu de l’extérieur, éblouit et en jette plein la vue, le même héroïsme, vu de l’intérieur, est tout autre. Il transforme. Profondément et en toute humilité. On ne voit plus le monde de la même façon. On le voit « un cran au-dessus » par la force de son expérience, acquise à la sueur de son front, il apparaît alors comme une évidence de repartir pour de nouvelles aventures, renforcé dans sa confiance en soi et une sorte de sagesse, puis de franche allégresse. La vie en est infiniment plus belle et savoureuse, les journées sont vraiment bien trop courtes, la vie, ses mystères et ses rebondissements sont une telle source de richesse, de joie et d’émerveillement. On y prend plus que goût, cela devient une nouvelle philosophie de vie, naturelle et profondément bienfaisante et épanouissante.
C’est cette vie-là qui nous tend les bras dans ce paradigme. Une vie intéressante et libre, inattendue, pour le bénéfice de tous. Une vie où nous pouvons tous être des héros, à notre propre mesure, par de petits actes désintéressés et quelques touches de générosité, faisant de soi, dans le calme et la simplicité, quelqu’un qui donne envie d’être connu, approché, pour le plus grand bonheur de tous.
L’héroïsme a pu sembler inaccessible et pourtant ce mot n’est que celui qui exprime un naturel et perpétuel dépassement de soi pour une condition supérieure sans cesse renouvelée, aspirant au bonheur de l’âme, dont tout le vivant profitera et s’inspirera en cascade.
Qui, raisonnablement, souhaiterait revenir aux temps de l’homme de Cro-Magnon pour y vivre une vie meilleure (plus « saine », plus simple)XXX ? Qui, raisonnablement, voudrait volontairement s’empêcher de devenir un héros, un vrai héros, celui qui transforme le monde, quelle qu’en puisse être l’échelle, en se transformant déjà lui-même ?
Refuser de devenir un héros par peur ou dévalorisation n’est que la première (et la plus difficile ?) limitation à dépasser. Est-ce si terrible et inaccessible ? Pensez à Sam Gamegie, qui a commencé aussi simplement que ça. Il a juste pensé à son ami, qu’il ne voulait pas abandonner. Il a pris son sac à dos, en laissant ses vieilles habitudes derrière lui. Sa vie a dès lors pris un sens.
Héroïsme : un mot qui a le courage de créer des héros
L’héroïsme, pour exister, doit affronter les peurs et les démons intérieurs, souvent cristallisés depuis tant de temps, retenant le bras ou le pas qui doit passer à l’acte. Les défis sont à la taille du héros qui les relève et passent du doute, créé par l’illusion, à la maîtrise de ses freins intérieurs. Et, pour mesurer la grandeur du héros, on pourrait citer une phrase de l’article 56 du Code de la Noblesse Orthodole : « …jusqu’à ce que la peur elle-même, craigne ton propre courage ».
La quête, la cause, toujours plus grande que soi, donnera tout son sens à son combat. Il peut être important de garder à l’esprit, qu’il faille, symboliquement, mourir à soi-même, perdant ainsi son identité et en transcendant les parts limitées. L’héroïsme est le regard qui mire et vise toujours la victoire, ce qui fait souvent du héros, une légende, habillant l’histoire de son intemporalité.
Une autre forme d’héroïsme et de dépassement de soi est née avec l’arrivée de l’énergie du paradigme nouveau en ce Monde. Le héros aura de hautes valeurs Orthodoles, et cultivera la Noblesse d’Âme, qu’il soit Archalchimiste, qu’il représente la Chevalerie de la Garde, ou qu’il ne soit paré ni de titre ni de statut particulier, il suivra la voie du renouvellement dans le dépassement de sa quête, incessante dans sa marche en avant et désintéressée dans son but, embrassant le collectif dans son Unité.
Le héros est rarement seul, exemplaire dans son positionnement et dans son action, soutenu par les individus ayant les mêmes valeurs chevillées au cœur et assisté par ceux qui empruntent ce chemin, ou qui y tendent sincèrement. Pour cela, l’effort est nécessaire, mais c’est le sur-effort qui, dans sa régularité et sa constance, permet à l’héroïsme de se créer, se renforcer et se multiplier.
Une chose est toutefois certaine : l’aspiration et le rejet à la fois, du traintrain quotidien, du confort de vie jusqu’à la lénifiante inutilité, éprouvés par ceux qui se surprotègent jusqu’à l’enlisement intérieur pour éviter, assez naïvement d’ailleurs, que quoi que ce soit ne leur arrive, surtout le bon, bien malgré eux, disparaîtront quoi qu’il advienne, envers et congre tout. Et ceux qui s’y attacheraient de toutes leurs forces pour leur éviter de vivre, au cas où des efforts seraient à fournir, disparaîtraient alors inévitablement avec cette vie-là, de la surface du monde.